Le développement de la représentation

Le développement de la représentation

Dans une suite de la fonction de la représentation chez S. Freud que nous avons abordée dans l’unité précédente et afin de traiter le développement de la représentation nous devons questionner les points suivants :

Est-ce que les troubles de la représentation sont liés à un problème externe ou interne ?

Quelle est la genèse de la fonction sémiotique chez Piaget ?

Quelle est la signification du symbolique dans les développements psychanalytiques ?

3.1. La représentation comme externe ou interne

Anna Freud1 a souligné clairement que l’influence de la psychanalyse sur l’éducation a apporté beaucoup de confusion. Les fondateurs de la psychanalyse soutenaient que les enfants devaient être éduqués librement, car la répression des pulsions « mène à la névrose ». Au fil des générations, en particulier chez les enfants des psychanalystes, on a observé que ce modèle éducatif a conduit à une désorganisation de la personnalité et que l’enfant a besoin du surmoi parental pour organiser ses demandes et trouver des moyens de satisfactions différées.

La crainte était que la répression de la sexualité infantile pouvait avoir comme conséquence l’absence d’une attitude de curiosité intellectuelle et d’un processus d’inhibition de la pensée. Cette réflexion en rencontre une autre, chez les psychanalystes Kleiniens, qui considèrent que les inhibitions de la pensée avaient comme origine un excès pulsionnel du côté de la pulsion de mort.

Les premiers psychanalystes croyaient de façon «utopique» que l’éducation sexuelle pouvait permettre une bonne évolution de la santé mentale.

Les deux courants de pensée ont réalisé un clivage entre les facteurs internes ou externes à l’origine des problèmes de la pensée.

L’éducation se réalise selon une construction active de la part de l’enfant. La relation asymétrique entre l’enfant et l’adulte requiert une action conjointe entre la transmission de l’adulte et l’appropriation par l’enfant du contenu transmis.

Bien que l’autoérotisme, c’est-à-dire la capacité du corps lui-même à se constituer en tant qu’objet de satisfaction, est une caractéristique de base de la sexualité infantile, le corps érogène se constitue à partir de l’échange avec l’autre. Si l’adulte n’accompagne pas l’échange érogène, les zones orales, anales ou génitales ne se constituent pas en tant qu’espace d’échange et de plaisir partagé.

Les fantasmes de séduction, de la scène primitive et de castration sont à la base du lien libidinal et des limites qu’imposent la présence d’un tiers.

Nous savons que le développement sensoriel et les acquisitions motrices résultent de la potentialité du sujet et de l’accompagnement des autres.

Freud dans Un souvenir d’enfance de Leonard de Vinci (1910), décrit les trois conséquences possibles de l’échec des premières recherches infantiles qui montre bien la complexité du processus de savoir.

Tout d’abord, cela peut donner une inhibition névrotique de la pensée, qu’il appelle « la faiblesse acquise ». Deuxièmement, il peut y avoir une érotisation des fonctions intellectuelles qui prennent un caractère obsessionnel et amènent à répéter l’échec et à rester sans conclusion, comme dans le cas de Léonard.

La troisième possibilité serait que le désir et la pulsion parviennent à se sublimer. Ceci permet à l’enfant d’élargir son champ de compréhension et d’appréhender les informations fournies par l’adulte sur les théories sexuelles infantiles.

La grande contribution de la psychanalyse vis-à-vis de l’éducation consistait à aider l’enfant, à prendre en compte non seulement la réalité extérieure, mais aussi la réalité psychique. (Freud, 1927)

Lorsque l’on parle d’éducation, il convient de faire la différence entre l’apprentissage quotidien réalisé au sein du groupe familial de celui qui se déroule dans l’établissement d’enseignement.

Les enfants élevés dans des environnements où les événements ont un sens ont généralement un Surmoi autonome, c’est-à-dire qu’ils peuvent accepter leurs propres limites et celle de l’autre, sans avoir besoin de la punition extérieure extrême. Au contraire, les enfants, instruits dans des institutions répressives, testent continuellement l’efficacité et l’actualité de la règle.

Le plaisir serait lié à la satisfaction individuelle en opposition avec le plaisir du lien partagé. L’autre ou le self peuvent être source de plaisir et de souffrance. Mais les autres imposent un travail à la psyché, car leur absence oblige à créer des voies de symbolisation.

Les études actuelles sur la double limite entre interne et externe redéfinissent tout le problème des origines de la psychanalyse.

Les conditions concrètes confrontent à des obstacles. C’est alors que la satisfaction hallucinatoire peut émerger ; mais aussi la réactivation de traces mnésiques de l’expérience de satisfaction et de frustration qui aident à inhiber ces mécanismes hallucinatoires.

Autrement dit, l’appareil psychique apprend à discriminer la double limite externe-interne. C’est le Moi qui obstrue la fluence de l’excitation.

Freud dans Formulations sur les deux principes du cours des évènements psychiques (1911), différencie le principe de plaisir lié au processus primaire du principe de réalité liée au processus secondaire. Ce dernier est chargé de lier l’énergie pour tolérer un niveau plus élevé d’excitation dans le système. L’attention et la mémoire vont, en appuie l’une sur l’autre, permettre que les conditions imposées au délà du désir soient acceptées, ce qui permet de se représenter la réalité, même si elle est désagréable.

Apprendre à différer n’implique pas de renoncer à la satisfaction. Or le développement de la tolérance à la frustration arrive quand le Moi est suffisamment mature.

L’échec de l’apprentissage entraîne l’angoisse et la peur de la perte de l’amour parental, particulièrement lorsque le processus secondaire ne peut pas intégrer les désirs sexuels à travers des objectifs socialement acceptés. Nous pourrions parler d’interférences dans le développement du Moi et dans la structuration du Surmoi qui dérive de l’identification aux parents. Le surmoi du complexe œdipien d’un enfant est en lien à comment les ancêtres ont pu résoudre leur propre complexe en lien avec les conditions de l’environnement actuel.

Les recherches psychanalytiques nous ont permis de comprendre que la satisfaction pulsionnelle ne donne pas une garantie d’accès à la santé mentale.

3.2. L’origine de la représentation chez Piaget et chez Freud ?

L’approche des problèmes d’apprentissage se réfère au moment initial où l’enfant peut conserver l’extérieur à l’intérieur.

Nous revisiterons les théories afin de différencier deux objets d’étude bien définis et différents, celui de la logique: préconscient, conscient et l’inconscient: développé par Piaget et par Freud.

Commençons par Piaget

Piaget étudie la Psychogenèse de la pensée logique, ce qui constitue son intérêt essentiel est : l’épistémologie des sciences.

Freud a démontré, à travers la psychopathologie, l’existence d’un appareil psychique qui opère selon certaines lois dans son fonctionnement.

Ce que Piaget appelle « fonction sémiotique » s’appelle en psychanalyse « Appareil psychique ».

Quelle est la genèse de la fonction sémiotique chez Piaget ?

Selon la vision piagétienne, la représentation émerge au moment où la fonction sémiotique est utilisée, lorsque le sujet peut évoquer, au moyen d’un signe ou d’une image symbolique, l’objet absent ou l’action qui n’est pas encore exécutée.

Elle commence quand les signes et les signifiants sont différenciés. Juste après quinze mois la possibilité de représenter une chose par une autre surgit. Les signaux ou « indices perceptifs » sont les premières manifestations de la fonction sémiotique. Le premier signifiant différencié est le corps de l’enfant. Les manifestations de la fonction sémiotique pour Piaget sont :

  • a) les Imitations différées c’est-à-dire la reproduction en l’absence du modèle.
  • b) le Jeu symbolique : Il apparaît à ce moment-là et emmène l’enfant à la situation « comme si ».
  • c) le Dessin : Le sujet invente des symboles avec lesquels il exprime ses affects.
  • d) l’Image mentale : émerge dans la quatrième année de vie. Elle se développe sur le stade de la réalité psychique, sans avoir besoin du corps comme médium.

Piaget différencie les « images reproductrices », qui se limitent aux scènes répétitives déjà perçues, des « images anticipées », qui surgissent vers sept / huit ans, où l’enfant imagine des transformations de la situation, sans avoir à mener l’activité dans le monde extérieur.

e) La cinquième manifestation de la fonction sémiotique est le langage, qui est arbitraire. Elle opère avec des signes verbaux imposés de l’extérieur. Le sujet peut alors penser sans agir sa pensée.

Pour Piaget 2 la naissance de l’intelligence de l’enfant implique de comprendre le passage de la constitution des formes d’activité intellectuelle sur le plan sensori-moteur vers un fonctionnement où l’action est une simple activité représentée.

L’élaboration de l’objet, de la causalité, de l’espace et du temps, repose sur des perceptions égocentriques initiales. L’action n’est pas transformée linéairement en pensée ou en langage. La pensée verbale pose de nouveaux problèmes par extension. Ces nouveaux problèmes mobilisent des conflits primitifs d’adaptation. 2

Le bébé commence par utiliser des schémas dispersés qui s’intègrent graduellement. Avant le développement de la psychologie génétique, les images étaient considérées comme sources de la connaissance. Pour Piaget l’accent est mis sur les schémas moteurs, où l’expérience a un rôle dirigeant. La genèse de la communication significative fait partie de l’« Échopraxies ou jeu gestuel», où l’enfant et l’adulte s’imitent. Cette imitation de gestes permettrait l’imitation vocale et d’isoler certains phonèmes. Mais aussi ces « jeux de simulacre », offre un espace de jeu en présence de l’autre.

Ce n’est que lorsque ces jeux symboliques apparaissent, qu’ils s’accompagnent de mots, qu’émerge la symbolisation pour Piaget.

Continuons avec le sens de processus symbolique en psychanalyse

Freud utilise le terme de deux façons : d’abord comme « formation substitutive ». Les rêves, les actes manqués, les symptômes névrotiques sont des déformations symboliques, parce qu’ils représentent des contenus inconscients.

Le sens du « symbolique » varie en fonction de la place attribuée à la langue. Par exemple, Lacan soulève l’hypothèse de « l’inconscient structuré comme langage ».

Je limiterai cette exposition aux développements de Pichon Rivière, qui coïncident avec les lignes directrices de Anzieu3 y all.

De ce point de vue, la fonction sémiotique apparaît dans le développement humain au niveau pré linguistique. Elle naît du corps réel et fantasmé de l’enfant lié au monde des autres, particulièrement de sa mère. Les codes de langage dérivent du schéma corporel, de l’image Tetra dimensionnelle du corps, pour reprendre les termes de Pichon Rivière.

Il y a un désaccord avec la pensée dans le sens que l’« imitation visuelle et motrice dans le miroir» est avant l’échange sonore significatif. Piaget soutient que l’ »Echopraxie » (reproduction par l’enfant d’un « geste fait par l’adulte ») est le substrat de l’écholalie (reproduction intentionnelle en miroir d’un son).

Dans le chapitre 7 de l’interprétation des rêves (1900) et dans Formulations sur les deux principes du cours des évènements psychiques (1911), Freud développe un mode de fonctionnement, de l’appareil psychique avec un degré croissant de complexité : qui évolue du processus réflexe à un processus primaire et secondaire. L’effet du processus réflexe permet de transformer la tension produite par les stimulus externes et internes, en décharges motrices.

Freud soulève l’hypothèse que l’être humain mémorise les conditions dans lesquelles la satisfaction s’est produite. Ces empreintes mnésiques sont les premières représentations de choses.

Le processus primaire commence au moment où l’enfant éprouve à nouveau des besoins et les réinvestit. Cela actualise dans l’imagination les perceptions de l’expérience de satisfaction. Le processus primaire produit une expérience hallucinatoire, donnant l’illusion de la satisfaction.

Deux types d’empreintes mnésiques peuvent être différenciées : une sensitivo-sensorielle, qui concerne les expériences particulières du médium, au moment de la satisfaction. Ce sont les représentations de chose. Une que Bernard Gibello4 propose d’appeler « représentations de transformation », parce qu’elles naissent de l’action de l’enfant, qui transforme le mécontentement en plaisir.

En accord avec cet auteur, d’après les observations faites aux nourrissons, il semble que l’identité de perception provient principalement de l’activité motrice du bébé. Comme première manifestation de celle-ci apparaissent la succion du pousse et l’autostimulation du corps.

L’insatisfaction nécessaire de la présence discontinue de la mère conduit l’enfant à faire la différence entre la réalité extérieure et le fantasme. Le bébé cherche en principe une identité entre l’expérience passée et actuelle. Ce processus secondaire subit un changement lorsque l’internalisation de la langue se produit. Les empreintes digitales sonores sont associées. Le point faible du processus secondaire est que la répression exclut du champ de la conscience, toutes les représentations déplaisantes, altérant l’ordre logique ou pratique du processus secondaire.

Pour Freud, la pensée est dans son origine, inconsciente, dans la mesure qu’elle se limite à s’élever au-dessus de la simple activité de représentation, en se tournant vers les relations entre les impressions laissées par les objets. Puis acquiers des qualités perceptibles pour la conscience, quand apparaît la parole (S. Freud, 1911).

3.3. Quelques réflexions sur l’élaboration de la pensée

Dans la première partie du texte de Spitz (1962), j’ai pris le concept d’ »organisateur » comme des axes progressifs de la communication de l’enfant avec le monde extérieur.

Le premier organisateur, la réponse souriante du bébé à l’apparence du visage humain, rend compte de la reconnaissance d’un « gestalt » signal associé à une situation agréable. Cette observation est complétée par une autre faite par Melanie Klein (1930) en ce sens que le bébé qui, pendant une certaine période, reste affamé, rejette à la fois la mère et la bouteille.

Pour Bion (1962), la frustration est la matrice du processus de pensée. Le nouveau-né est équipé d’une série de réflexes congénitaux. Bion les définit psychiquement comme « préconception »: c’est une «disposition innée à attendre un sein qui peut être offert».

À son niveau le plus primitif, la pensée résulte de l’Union d’une préconception avec une frustration. Il naît de la conscience que le sein désiré est absent.

Au début du développement, le nourrisson peut évoquer des objets, clivés en bon et mauvais, mais pas faire la différence entre le fantasme et la réalité.

Le deuxième organisateur, l’angoisse du huitième mois, rend compte de la possibilité d’évoquer une personne absente. Cela coïncide avec différentes observations faites par des auteurs tels que Piaget, qui ont observé que l’enfant à huit-dix mois cherche un objet, quand il disparaît. Wallon (1942) souligne aussi la joie de l’enfant devant l’Image miroir.

Selon M. Klein (1930), l’enfant est triste à ce stade, non seulement parce qu’il se sent abandonné par la mère, mais aussi parce qu’il a peur de la détruire. L’élaboration de la position dépressive lui permet de différencier la réalité interne et externe.

Le geste de l’index (pointer du doigt) et le jeu de cache-cache révèlent l’émergence de la fonction sémiotique, en termes piagétiens. C’est la possibilité de penser en termes de présence-absence.

L’acquisition de la marche, comme une possibilité d’effectuer l’éloignement de la mère, lui permet de réaliser activement la séparation.

Entre le quinzième et dix-huitième mois, l’émergence du « non » lui permet d’inclure le fonctionnement de la logique du déni. Cet enfant apprend à dire « non » dans la mesure où sa mère savait comment dire « non » à ses exigences incontrôlables.

L’élaboration du conflit œdipien, qui coïncide avec l’introduction de l’enfant dans le monde de la langue écrite, constitue un hiatus dans la construction de la pensée. La reconnaissance des différences anatomiques des sexes, donne notion, des organes sexuels, comme une connaissance objective, au-delà des positions subjectives de l’enfant.

La différence en tant qu’attribut permanent ouvre la possibilité d’une pensée logique, la possibilité de classer, d’effectuer des opérations qui incluent un système de transformations.

3.4. Relations de continuité et de discontinuité dans le développement affectivo cognitif

La mère est au commencement perçu par l’enfant comme une partie, une prolongation de lui-même avant de différer. La mère est la première identifiée comme identique à soi-même, puis reconnue comme différenciée. Le soi se construit à partir de cet autre qui satisfait à des intervalles toujours plus prolongés et à partir de la différenciation avec l’autre. Cette différenciation se produit dès la reconnaissance des qualités que l’autre offre, et qui pour le bébé ramènent, à une situation de satiété et de chaleur corporelle.

Les systèmes de représentation sont déjà présents depuis l’« hallucination » comme mode de satisfaction auto-érotique qui illustre la non-différenciation externe-interne et la complexité du psychisme.

Les premières formes de pensée sont intransmissibles et constituent ce que Freud a appelé inconscient refoulé ou incapable de conscience, puisque le registre mnésique est désarticulé de la parole.

De l’ activité que l’enfant structure, nous pouvons déduire le niveau de développement de sa pensée. Les pleurs, le babillage initial signifient pour le bébé par la présence d’un autre qui le décode, donnant du sens. C’est l’adulte qui met le nom de sommeil, affamé, inconfort, exprimé par les pleurs. L’enfant ne peut pas traduire la raison de son malaise. Nous disons qu’il y a un langage dès ces premiers instants, bien que les mots n’émergent pas en tant que tél.

La différenciation subséquente entre significations et signifiants témoigne d’une plus grande distance entre le Je et le Tu. Nous ne pouvons pas dire que la représentation émerge simplement avec l’apparition du mot. Cela traduit en réalité de l’aboutissement d’un processus.

L’un des points centraux est peut-être de différencier le moment de structuration d’un phénomène de son apparition. En ce sens à la fois le concept d’ « organisateur » selon Spitz et le concept de stade selon Piaget rendent compte d’une différenciation entre la Genèse (comme processus de construction d’une notion), et l’émergence qui témoigne de la notion appropriée et en même temps ouvre à de nouvelles potentialités.

Nous ne pouvons pas dire que l’affect précède l’intelligence ou vice versa. Nous parlons plutôt d’un processus où les relations entre les deux sont établies en termes de dominance.

Dans les débuts de la vie, ainsi que dans les débuts de chaque processus d’apprentissage, une prédominance de l’affect s’établit. Chaque nouveau lien avec les objets et avec les choses réactualise le lien primitif avec les autres personnes, en particulier les premières significatives.

L’affect travaille sur le singulier et le concret. Se réfère à la personne dans un contexte donné. L’intelligence tend à rechercher des généralisations, mais celles-ci sont toujours basées sur des particularités.

Le conflit de l’ambivalence, la contradiction logique, agissent comme moteur de l’histoire individuelle et sociale. Nous pouvons parler de l’alternance des deux types de conflits.

Par exemple, l’angoisse du huitième mois, et l’élaboration du complexe œdipien et la puberté constituent des moments de manifestation de conflits dans le développement normal. Les conflits susmentionnés donnent lieu à des acquisitions au niveau cognitif : la conservation de l’objet, les structures opératoires spécifiques et les abstractions.

Le conflit est alors dépassé d’une étape, redéfini et rend possible l’émergence de l’étape suivante.

Il y a une relation de continuité entre les personnes étrangères et familières (au huitième mois où l’enfant est affligé par la présence d’étrangers). Piaget situe ce moment de la conservation de l’objet avec l’émergence de la fonction sémiotique.

Il semble que chaque saut au niveau cognitif soit précédé d’un conflit comportemental. La période prétendument calme de la latence est installée sur la base de la répression œdipienne, qui permet le développement de la pensée opérationnelle, comme elle arrive entre six et douze ans.

Introduire une séquence entre le biologique, l’affectif et l’intellectuel implique de désarticuler les processus qui peuvent être distingués selon les stades évolutifs. Il n’est pas possible de dissocier la genèse des deux processus. Bien qu’il soit indéniable que l’émergence du cognitif avec la fonction sémiotique, en appui sur le langage verbal, donne la possibilité, d’une reconstruction des différents faits : le jeu comme code significatif rend déjà compte de la conservation de l’objet.

L’objet libidinal maternel est le lien de continuité dans la cognition de l’univers. Nous voyons comment tout trouble affectif provoque une difficulté d’ordre cognitif. L’autisme est l’exemple le plus clair. Inversement, tout trouble cognitif comporte des difficultés affectives. Dans le retard mental d’origine organique, on voit l’insuffisance d’un bon développement de la répression primaire : nous nous trouvons avec des comportements pervers, difficilement intégrable à une sexualité plus mature.

Il n’est pas possible de dire que le parcours de la conservation de l’objet au niveau affectif est équivalent au cognitif, comme on ne peut pas réduire le psychisme à la biologie, mais nous savons de la pathologie qu’il y a un lien de continuité entre les deux processus.

Ainsi comme les lésions cérébrales qui produisent des altérations cognitives et affectives, les privations affectives précoces détériorent ou arrêtent le processus de développement. Il est nécessaire de prendre en compte le contexte d’où l’enfant identifie et classifie les données de l’expérience.

Identifier l’unité, la différencier de l’ensemble et en même temps la localiser comme lui appartenant implique des opérations complexes, résultant de l’interaction entre l’individu et le milieu.

Comprendre que le sein, objet de désir, est le même que le sein rejeté de la satiété ; suppose un processus ardu de différenciation entre les besoins et l’identité de l’objet, du processus de généralisation que cela implique.

Cela signifie être capable de surmonter la contradiction d’attribuer à l’objet et à ses propriétés une existence antérieure et supérieure que celle vécue par le sujet lui-même à un moment donné.

L’enfant évolue de l’expérience de la réalité (représentation subjective) vers une appréciation de la distance où le monde a une légalité au-delà du privé (représentation objective).

La pensée magique du processus primaire coexiste avec la pensée logique du processus secondaire.

Le syncrétisme s’oppose simultanément à l’analyse et à la synthèse, à l’individuel et au général. L’enfant reste inconscient de ce double mouvement qui va se différencier au cours du développement. L’affectif et l’objectif apparaissent comme un tout.

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1 FREUD, A. (1977). Psicoanalisis del jardin de infantes y la educacion del nino. Buenos Aires, Paidos.
2 PIAGET, J. (1967). Le champ temporel, La construction du réel chez l’enfant. Paris, Delachaux et Niestlé, 1977.
3 ANZIEU, D et all. (2003). Les Enveloppes psychiques, Paris, Dunod.
4 GIBELLO, B. (1994). Les contenants de la pensée et la psychopathologie, in D. Anzieu et all., L’activité de la pensée. Emergence et troubles, Paris, Dunod.